Les buralistes sont dans une situation paradoxale : une solide progression de leur chiffre d'affaires global cache en fait la disparition accélérée de beaucoup d'entre eux, de profondes inégalités géographiques, l'atrophie générale du réseau, et finalement les réelles difficultés d'une activité que beaucoup décrivent comme condamnée. Est-ce la fin des buralistes, autre spécificité française mise à mal par la globalisation ?
Depuis une dizaine d'années, les efforts d'investissements de modernisation réalisés ont été trop limités, entrainant une vétusté accélérée des points de vente. Dans le même temps la plupart des commerces de proximité (boulangeries, coiffeurs, opticiens, pharmacies, etc.) ont quant à eux accompli de substantiels efforts de rajeunissement de leurs points de vente.
Des aides publiques mal ciblées
Les aides publiques et les augmentations de commissions dont bénéficient les buralistes sont trop diverses, mal ciblées (elle profitent d'abord aux débits les plus prospères), et reviennent finalement à soutenir artificiellement le chiffre d'affaires, entretenant la profession dans une attitude passive face aux évolutions de son environnement, sans parvenir à assurer la pérennité des plus fragiles. C'est le grand échec des « contrats d'avenir », ces plans quinquennaux fleurant bon le dirigisme à l'ancienne, dont le troisième vient à échéance à la fin de cette année. D'une certaine façon, le risque d'« ubérisation », c'est-à-dire du court-circuitage des intermédiaires au profit de nouveaux acteurs mobilisant à plein les technologies numériques, les concerne aussi : en témoignent la numérisation de la presse et des jeux, le développement de la livraison à domicile des repas et boissons, et l'importance de la consommations de tabacs venant de l'étranger.
Changer la logique des aides
Les buralistes ne retrouveront un avenir que si la logique des aides qui leur sont apportées est radicalement changée. Les aides publiques (si aides publiques il doit y avoir) doivent être mieux ciblées au profit de ceux qui en ont vraiment besoin, et doivent être complétées par des mécanismes financiers innovants du secteur privé abordant l'activité dans son ensemble, laissant une place plus grande aux initiatives individuelles et permettant une profonde modernisation du point de vente. Il s'agit, pour le dire de façon imagée, de donner la canne à pêche plutôt que le poisson, en adoptant une approche valorisant l'esprit entrepreneurial et l'innovation du débitant. Ce n'est qu'en faisant jouer toutes les complémentarités possibles entre les offres et en faisant du buraliste un entrepreneur commerçant et non plus un simple débitant se posant en préposé de l'administration que les conditions d'une pérennisation de l'activité seront réunies.
Pour un soutien à l'investissement
Plutôt que la fausse bonne idée d'une énième augmentation des commissions, nous proposons la mise en place d'un dispositif décentralisé innovant d'aide ciblée à l'investissement dans la modernisation des points de vente et à la professionnalisation des buralistes. Pour les buralistes qui le souhaitent et remplissent certaines conditions d'éligibilité, nous suggérons un financement auquel les partenaires commerciaux des buralistes participeraient selon des modalités à préciser (prêt bancaire, garantie bancaire, prise en charge des intérêts d'emprunt, prêt d'honneur, subventions directes…).
Augmenter le niveau de qualité de l'offre
Ces aides seraient subordonnées à la réalisation d'une démarche respectant un cahier des charges précis incluant la rénovation du lieu de vente, une réflexion approfondie sur le mix de l'offre et des formations professionnalisantes. Enfin, des labels traduiraient auprès des clients le niveau de qualité de l'offre proposée dans le débit : modalités d'accueil, propreté et esthétique du lieu, marchandisage plus ou moins adéquat des produits, capacités d'accompagnement commercial, etc. Notre proposition permet d'associer les principaux partenaires de l'écosystème du buraliste, qui ont un intérêt commun à sa modernisation et à sa professionnalisation. En s'appuyant sur des financements privés, elle permet aux pouvoirs publics de sortir de la logique d'assistanat qui prévalait jusqu'à présent