Qui va prendre le pouvoir ? Les grands singes, les hommes politiques ou les robots

Le jeudi 15 juin, la Fondation Concorde recevait Pascal Picq, paléoanthropologue et auteur du livre « Qui va prendre le pouvoir ? Les grands singes, les hommes politiques ou les robots ».

La paléoanthropologie est la science qui étudie l’évolution de l’histoire humaine, comment ont évolué nos sociétés à chaque grande étape de l’évolution de l’Homme ?

Face aux révolutions et aux changements qui ont marqué l’histoire humaine, Pascal Picq nous explique que c’est toujours l’espèce la mieux intégrer dans son environnement, qui subit le plus les changements busques. Si l’on se permettait un parallèle avec notre société actuelle, ce serait donc la génération la mieux ancrée dans le monde d’aujourd’hui qui sera la plus bouleversée par la révolution numérique qui a d’ores et déjà commencé.

 

Le numérique représente-t-il vraiment une révolution historique ?

La révolution numérique est avant tout la révolution de la diffusion de l’information. Contrairement à ce que l’on tend à penser, la révolution a déjà commencé depuis les années 80, et s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui. Par exemple, dans les années 90 on entendait parler du village-monde où tout le monde serait connecté à travers le monde entier, la bulle internet des années 2000 est également une des nombreuses conséquences de cette révolution en cours.

D’un point de vue plus économique, cette révolution se traduit dans les chiffres. Une étude menée par deux chercheurs du MIT prouve de façon assez simple les mouvements de grande ampleur dans nos économies. Ils étudient 4 courbes aux États-Unis, mais cette démonstration est valable pour l’Europe également :

  • Le revenu des ménages
  • La création d’emplois
  • Le PIB
  • La productivité

Avant les années 1980, ces quatre variables connaissaient une évolution similaire, mais à partir de 1980 les évolutions divergent. Entre 1980 et 2016, le revenu des ménages est multiplié par 2, ce qui prouve l’évolution très rapide de nos économies. Cependant la création d’emplois a été multipliée par 2,8, ce qui signifie que les entreprises ont fait le choix d’augmenter leurs effectifs plutôt que d’augmenter les salaires des salariés présents. Plus étonnant, le PIB a été multiplié par 3,3 sur la période, il a en effet été tiré vers le haut par la productivité qui a été multipliée par 4 sur la période. Une véritable preuve de cette révolution numérique qui se joue dans nos économies.

Dans le milieu de l’anthropologie, la diffusion de l’information a été facteur de grands changements. Par exemple, l’arrivée des insectes butineurs qui ont permis la diffusion des espèces florales a entrainé, après une réaction en chaîne, une multiplication des espèces animales par 10. Des chiffres à méditer lorsque l’on sait que la principale caractéristique de cette révolution numérique est de diffuser l’information.

 

Quelle est la vision du progrès dans nos sociétés qui changent ?

À chaque fois que la technologie ou la science a évolué de façon brutale et inattendue, des courants utopistes se sont développés. Le mouvement transhumanisme par exemple n’est pas nouveau, Descartes disait déjà qu’avec la science on pourrait « combattre la mort ».

Le fait est que le caractère inattendu et disruptif de ces innovations nous pousse à imaginer des choses qui étaient complètement impossible quelques dizaines d’années auparavant. L’imprimante 3D ouvre les portes à de nouvelles pratiques, chacun peut produire la petite pièce qu’il manque pour réparer sa machine à café, les artistes voient les possibilités de création décuplées. La robotisation pose désormais la question du temps de travail qui pose lui-même la question du revenu, des inégalités, de la fiscalité, etc.

 

Le constat est simple, malgré cette vague de changement et cette année électorale dans de nombreux pays propice à un débat politique de grande ampleur, aucune vision n’a été donnée. Le débat politique n’est pas à la hauteur des enjeux de notre siècle.

Le Brexit en est un bon exemple, les campagnes britanniques ont tendance à penser que l’Europe profite uniquement à la capitale : Londres. Ils ont donc décidé, en votant pour la sortie, de passer d’un jeu « je gagne peu et vous gagnez beaucoup » à un jeu « je perds peu et vous perdez beaucoup ».

Les élections américaines ont également eu comme enjeu le progrès. La mondialisation est considérée comme la forme ultime du progrès et de la modernité, en choisissant d’élire D. Trump et le fameux « make america great again », les américains ont choisi de se refermer pour mieux contrôler les formes de progrès et les révolutions à venir.

En France, le débat du second tour des élections présidentielles a exactement formulé cette dichotomie, à l’image du Brexit, les campagnes ont principalement voté pour le repli national, tandis que les villes ont majoritairement voté pour le candidat qui a revendiqué l’ouverture sur l’international.

 

Conclusion :

Pour terminer sa brillante intervention Pascal Picq a qualifié nos sociétés actuelles et à venir d’ « espace digital darwinien », un espace de variation/sélection extrêmement rapide. De très nombreuses innovations radicales naissent tous les jours, certaines révolutionnent leur secteur d’autres s’éteignent, c’est le syndrome des start-ups. Par exemple, personne n’avait prédit l’arrivée de Twitter et ses impacts économiques. À chaque rupture d’innovation, le monde est bouleversé et la politique fait son retour pour élaborer les solutions d’avenir.

La question qui se pose aujourd’hui est donc : quel nouveau contrat social devons-nous signer pour conserver notre unité sans tuer l’innovation ?