Principe de précaution : Oser le risque

2015 marque les 10 ans du « principe de précaution ». Détourné de sa vocation initiale au fil des années, il semble s’être progressivement mué en diktat décourageant les chercheurs et les industriels à la pointe d’innovations pourtant porteuses de croissance. Du principe de précaution est née l’invitation à l’inaction. La quête perpétuelle du risque 0 et la frilosité généralisée à l’égard du progrès technique ont dénaturé le processus de recherche scientifique. OGM, gaz de schiste, Bisphénol A, nanotechnologies, autant de secteurs prometteurs ainsi délaissés par la France. Pourtant, à la volonté de prévenir tout risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement et à la santé des personnes est intrinsèquement corrélée celle de continuer à innover afin de permettre à la France de maintenir son rang au sein d’une économie mondialisée. L’ignorance ne doit pas être prétexte à l’inaction. La recherche et l’expérimentation doivent se poursuivre pour réduire, voire supprimer l’incertitude

1. De l’interprétation excessive du principe de précaution

  • Le principe de précaution n’est théoriquement pas un principe de blocage. Toutefois, l’interprétation maximaliste qui en est faite rend son application empirique excessive.
  • En effet, cette dernière, parce qu’elle relève d’une logique plus politique que scientifique, tend à céder aux peurs, parfois injustifiées, d’une opinion publique de plus en plus réfractaire au progrès.
  • La complexité des sujets ainsi que l’incertitude substantielle qu’ils engendrent provoquent une véritable surenchère de la médiatisation anxiogène des filières innovantes. La profonde défiance citoyenne à l’égard des institutions politiques participe également à la prolifération de cette atmosphère de soupçon et de crainte à l’égard de la science.
  • Associée à ce manque de soutien populaire, l’instabilité administrative et juridique pèse lourdement sur la recherche et le développement industriel. De ces longues et coûteuses procédures naissent des délais de production intenables.
  • Face à cet écosystème défavorable, nombre de nos meilleurs scientifiques n’hésitent plus à s’expatrier afin de voir leurs travaux et recherches reconnues à leur juste valeur. De plus, l’inversion de la charge de la preuve engageant, désormais, la responsabilité pénale des innovateurs, peu d’entreprises peuvent se permettre d’investir dans des secteurs potentiellement soumis au principe de précaution.
  • Même lorsque les chercheurs s’efforcent de respecter toutes les règles du jeu juridique, le pouvoir judiciaire peine à les soutenir comme en témoigne l’exemple éloquent de la relaxe des faucheurs de Colmar.  Cette hégémonie de la défiance à l’égard du progrès repose sur des caractéristiques sociologiques définies par des filtres cognitifs associés aux précédents cas de catastrophes écologiques, de scandales sanitaires et de détournements de l’évolution technologique. C’est le principe de l’effet « nocebo » qui fait que « je crois tout ce que je crains ».
  • Les cas respectifs des OGM, du gaz de schiste et du Bisphénol A témoignent du caractère excessif de la législation française mais également de son décalage à l’échelle européenne.

 

2. De ses graves conséquences économiques

  • Cette attitude à l’égard de la recherche et de l’innovation est source de nombreuses opportunités manquées par le système productif français. Alors que la culture de plantes génétiquement modifiées est pratiquée depuis de nombreuses années par des pays tels que les Etats-Unis et permet de se prémunir contre les champignons, virus et insectes nuisibles, la France choisit de rejeter radicalement ses avantages pénalisant, par la même, notre développement.
  • Alors même que le contexte géopolitique actuel traduit tous les dangers de la dépendance énergétique, l’exploitation des gaz de schiste est aujourd’hui empêchée sur le territoire français par une série de mesures politiques prises sans consultation scientifique. Cet exemple met en lumière toute l’impertinence d’une confusion précaution/prévention empêchant l’expérimentation d’un secteur dont les risques touchant à la fracturation hydraulique sont bien connus et peuvent, de fait, être consciemment gérés.
  • Ces prises de position infondées constituent un obstacle au libre-échange et excluent la France des grandes avancées scientifiques. Par la mise en place de mesures clairement protectionnistes à l’égard des OGM, la France s’inscrit, qui plus est, dans un modèle contraire aux recommandations des organisations, telles que l’OMC, auxquelles elle appartient.

 

3. Ce que la Fondation Concorde préconise

  • Renverser la tendance à la défiance pour ne pas sombrer dans l’immobilisme, en amendant et précisant la loi Barnier.
  • Inciter à une meilleure attitude du juge en intégrant l’expertise scientifique dans la décision juridique.
  • Renforcer la protection publique de l’expérimentation en prévenant toute intervention destructrice par des mesures d’ordre efficaces.
  • Agir auprès des médias afin de donner naissance à un écosystème véritablement favorable à la recherche et au progrès technique et proposer la création d’une institution indépendante et équivalente au Science Media Center britannique.
  • Redonner le goût des avancées scientifiques au grand public en mettant en place des programmes courts à la télévision ou sur internet visant à faire un point sur l’actualité scientifique. Encourager l’initiative citoyenne en créant un jury populaire pour les débats publics

 

2015.02.27-Principe-de-PrécautionVF