Pourquoi les pharmacies doivent se transformer

Une officine ferme en France tous les deux jours. Le pharmacien doit se tourner vers les services, en assumant de nouvelles missions.

Par Olivier Babeau, porte-parole de la Fondation Concorde

 

Activité hybride, située entre le secteur de la santé et celui du commerce, l'officine de pharmacie est un acteur de santé de proximité incontournable. Pourtant, sa place dans un système de santé durablement transformé, non seulement par le numérique mais encore par l'évolution des pratiques et de nouvelles approches thérapeutiques, est aujourd'hui remise en question, y compris en France. Si elle sait évoluer, la pharmacie pourra pourtant être la clef de voûte de la santé de demain.

A l'heure où les nouvelles technologies de l'information et de la communication déstabilisent une à une toutes les dimensions de l'économie et de la société, la pharmacie cumule aussi les difficultés des deux secteurs auxquels elle appartient : devant faire face à la remise en question des financements de la santé, à l'évolution des pathologies traitées et de la population servie, l'officine est en même temps soumise à la pression grandissante de nouveaux acteurs souhaitant mettre à profit les outils numériques pour court-circuiter le commerce des produits de santé à leur profit. Dans ce contexte difficile, l'équilibre économique des pharmacies est gravement menacé : une officine ferme en France tous les deux jours. La moyenne d'âge de nos pharmaciens dépasse désormais cinquante ans.

Nouveau modèle économique

L'officine doit changer ou mourir, car son équilibre économique ne pourra plus reposer sur la marge réalisée sur la vente de produits standardisés. Pour y parvenir, elle peut compter sur ses nombreux atouts : proximité de ce lieu qui demeure le premier interlocuteur de santé, forte relation de confiance avec les patients, expertise exclusive du médicament et capacité de conseil notamment. Dans l'économie numérique, la valeur est moins créée par le produit lui-même que par le service associé.

Le pharmacien doit résolument se tourner vers les services, en assumant de nouvelles missions, comme c'est le cas en Suisse par exemple : vaccination (en coordination avec les médecins, par exemple dans les déserts médicaux), assistance à la téléconsultation, orientation des patients, conciliation médicamenteuse, amélioration de l'observance, etc. Allons plus loin encore : la pharmacie a vocation à être l'un des pivots essentiels de la « médecine des 4P », qui sera demain prédictive, préventive, personnalisée et participative. En accompagnant le patient dans cette santé connectée dont on pressent les immenses possibilités mais aussi les dangers ; en incarnant la relation humaine et la compétence dans un environnement de plus en plus automatisé et dématérialisé.

Adapter la legislation

Pour parvenir à accomplir cette mutation, les pharmacies doivent d'abord compter sur elles-mêmes, avec l'aide d'outils puissants tels que la démarche de certification qualité. Il appartiendra à chaque pharmacien de se faire entrepreneur en se saisissant, comme cela est déjà le cas dans de rares officines, d'offres d'optique (en collaboration avec des opticiens) ou en développant des conseils d'hygiène et de diététique, par exemple.

Ces évolutions ne seront évidemment possibles que si d'importantes modifications, dans les limites imposées à leur activité, sont apportées. Pouvoir vendre des objets connectés, gérer la relation ainsi créée et la facturer sont pour l'instant rigoureusement impossibles. De même que la livraison du médicament, même si elle s'accompagne d'une télédélivrance, la promotion de ses actions et la facturation d'honoraires. Cette profonde refonte du cadre réglementaire dans lequel évolue le pharmacien devra aussi apporter des réponses innovantes aux questions difficiles de la valorisation des nouveaux services rendus : quelle prise en charge par la solidarité ? Quel degré de remboursement ? Quelles modalités de facturation ?… A l'audace des pharmaciens devra répondre celle du législateur, qui devra du même coup redéfinir les logiques financières sur lesquelles est fondé notre système de santé.