Il faut rebâtir la politique économique européenne

Par Olivier Babeau, porte-parole de la Fondation Concorde – publiée dans Le Monde le lundi 4 juin 2016

Mal aimée et mal connue, l’Europe réussit le tour de force d’être à la fois critiquée pour son pseudo ultralibéralisme et sa furie réglementaire. Distributrice de milliards d’euros en subventions et aides diverses, elle n’en est pas moins stigmatisée comme une force d’appauvrissement.

En plus d’être liée à un indéniable déficit démocratique, la crise du projet européen est une crise du rôle économique que l’Europe semble pouvoir jouer. Rendre à l’Europe son sens, c’est ainsi avant tout redonner à sa politique économique une efficacité perceptible et compréhensible par les citoyens des pays membres parce qu’intégrée au projet économique national.

 

Tout le monde s’accorde pour reconnaître l’échec des politiques économiques européennes. Leur histoire est celle d’objectifs jamais atteints, de normes communes allègrement transgressées par les pays membres, et finalement d’édits comminatoires rendus inopérants à force d’avoir été vains.

Constant affaiblissement

Qu’il s’agisse d’harmonisation ou de respect d’indicateurs fondamentaux en matière de gestion publique, la politique économique européenne ne parvient désormais plus à imprimer une dynamique de progression à l’Union. Pire encore, elle ne peut même pas en prévenir le constant affaiblissement. Les recommandations de rigueur tombent de plus en plus dans l’indifférence générale. Vox clamavit in deserto.

La rupture dont les politiques économiques européennes ont besoin est double : c’est le périmètre et la méthode qu’il convient en effet de changer.

Qu’il s’agisse d’harmonisation ou de respect d’indicateurs fondamentaux en matière de gestion publique, la politique économique européenne ne parvient plus à imprimer une dynamique de progression à l’Union

Le périmètre tout d’abord. L’affaiblissement du projet européen est lié à sa dilution dans une Union à vingt-huit où les points de divergences sont trop nombreux pour permettre des progrès significatifs. Il faut donc rebâtir la politique économique européenne en repartant de son noyau historique : nous suggérons la mise en place d’une coopération renforcée entre neuf Etats membres, comme la possibilité en est prévue par l’article 20 du traité sur l’Union européenne.

Cette coopération permettrait une intégration différenciée de ces pays, gage de concurrence assainie (évitant l’inégalité des contraintes sociales et fiscales) et de développement de nouveaux marchés pour nos propres entreprises. Aborder les grands problèmes de nos PME et de nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) au niveau européen, dans un contexte réglementaire harmonisé, serait en effet gage d’une efficacité renforcée des solutions. C’est par exemple une telle approche qui a permis à la Banque européenne d’investissement d’accorder 17 milliards d’euros d’aides en 2013 à 230 000 PME et ETI, apportant une solution précieuse au problème endémique de financement.

Bouc émissaire

Mais, même réduite à un noyau de pays volontaires, les politiques économiques ne pourront sortir de l’ornière où elles se trouvent qu’en étant accompagnées d’un changement de méthode : elles doivent partir des pays membres et non plus fondre sur eux comme la statut du Commandeur, ce qui est par construction inacceptable par les peuples. Cela implique que les pays changent radicalement de posture vis-à-vis de l’Europe.

En France, spécialement, elle est absente du débat public ou édifiée en bouc émissaire de tout ce qui ne marche pas. La présidentielle de 2017 pourrait être l’occasion d’une vraie place donnée à la dimension européenne : les politiques économiques européennes doivent cesser d’être vécues et présentées comme des contraintes extérieures, mais doivent être assumées comme le prolongement indispensable du programme de redressement économique national.

Sortant ainsi du piège qui consiste, soit à refuser des préconisations européennes vécues comme des oukases, soit à prêter le flanc à ceux qui dénoncent de la dépossession de notre souveraineté au profit de Bruxelles, les pays de ce nouveau noyau européen que nous appelons de nos vœux feraient d’une politique économique pensée et mise en œuvre au niveau européen un volet essentiel de leur projet politique.