Déserts médicaux, rémunération ou encore prévention sont quelques-unes des problématiques de la santé pour lesquels les pouvoirs publics, et les patients, auraient tout à gagner à un développement de l’e-santé.
Notre système de santé n’est pas « sauvé », quoique Mme Touraine ait pu dire en présentant la loi de financement de la Sécurité Sociale de 2017. Certes, la progression des dépenses de santé a été contenue à 3% pour atteindre l’équilibre à 206 milliards d’euros. C’est une performance, vu l’inflation des traitements innovants, la hausse des coûts salariaux à l’hôpital et une logique financière qui incite à multiplier les actes plutôt qu’à les prévenir.
L’avenir de notre système de santé mérite mieux qu’une gestion comptable
Que 86% des professionnels jugent mauvais le bilan de Hollande , selon un sondage du journal international de médecine, ce serait à cause du passage en force sur le tiers payant et de la faible progression des revenus. On ne peut pas plaire à tout le monde… Les administrateurs, eux, auraient fait leur travail, préservant les grands équilibres.
L’avenir de notre système de santé mérite mieux qu’une gestion comptable. Il faut prendre la mesure du bouleversement, sous le double effet du vieillissement, qui fait basculer la majorité des actes de l’intervention au soin, et de la révolution numérique, qui met entre nos mains des outils inédits de désintermédiation.
Faute de les avoir anticipés, la France a pris du retard dans cinq politiques de santé où le renouvellement est indispensable.
1. Pour une vraie politique de prévention
Il n’y a pas de vraie politique de prévention. Nous vivons plus longtemps, mais plus malades. Certes, l’espérance de vie en France est parmi les plus élevées du monde, à 82,3 ans, mais celle « sans incapacité » stagne depuis 2010 à 62,5 ans. C’est dix ans de moins qu’en Suède. C’est faute de s’attaquer aux facteurs de risques.
La consommation d’alcool est 25% au-dessus de la moyenne de l’OCDE . Le tabac est deux fois plus consommé qu’en Suède. L’obésité augmente de 0,5% et atteint près de 16 % de la population. La France consacre moins de 3% de son budget santé à la prévention .
Au-delà des taxes sur les drogues et la « malbouffe », il faut élargir la notion à de nouveaux acteurs, à de nouveaux outils. Les pays nordiques et anglo-saxons responsabilisent les entreprises. Elles sont incitées à déployer des plateformes digitales de dépistage, qui permettent de consulter en ligne ou de récompenser les bonnes pratiques avec des objets connectés.
2. L’e-santé pour les déserts médicaux
L’e-santé comble le vide des déserts médicaux. Selon la DREES, près d’un Français sur 10 vivrait dans une zone sous-peuplée en médecins en 2017.
Le peu d’accès aux consultations favorise les complications. Les mesures incitatives sur l’installation des jeunes médecins ne marchent pas . Il faut digitaliser la consultation.
En Angleterre ou en Finlande, chacun peut consulter un médecin via son smartphone. La France souffre d’un retard coupable, à cause d’un régime d’autorisation préalable qui a étouffé un essor permis par la technologie.
Comme nos chez nos voisins, il est temps de répondre à la saturation des services d’urgence par des offres digitales de premier recours, qui permettent d’orienter plus vite les patients en fonction de la criticité.
3. Pour plus de télésurveillance
La France est en retard par excès de précaution
L’explosion des maladies chroniques plaide pour plus de télésurveillance. La majeure partie des traitements chroniques se passent hors consultation. La télésurveillance a fait la preuve de son efficacité pour réduire les hospitalisations et les dépenses sur des pathologies comme l’insuffisance cardiaque.
Avec les objets connectés, le coût chute de façon spectaculaire. S’il fallait une infirmière pour suivre 70 patients par téléphone en 2000, elle peut en suivre 300 à 500 avec une plateforme. Les intelligences artificielles de détection précoce vont augmenter le ratio. Ces ruptures permettront de passer du pilote à la généralisation.
La France est en retard par excès de précaution. Les premiers décrets d’applications parus fin 2016 proposent enfin d’expérimenter avec le diabète ou l’insuffisance cardiaque. La prise de conscience est salutaire mais tardive.
4. Repenser les modes de rémunération
Le passage du « cure » au « care » impose de repenser les modes de rémunération. Les médecins continueront d’intervenir sur le diagnostic et les urgences. La coordination des soins, en revanche, doit s’appuyer sur de nouveaux professionnels rémunérés au forfait par patient.
Aux Etats-Unis, un volet sanctuarisé de l’Obamacare récompense la baisse des réadmissions hospitalières, ainsi qu’un ensemble d’indicateurs de performance.
En France, la politique des « Territoires de soins numériques », pilotée centralement par les agences régionales de santé (ARS) n’a rien changé aux logiques de paiement à l’acte.
Il faudrait au contraire libérer l’énergie locale des hôpitaux, en les incitant à investir dans l’e-santé, qui sera financé par la réduction des actes inutiles.
5. L’assurance Maladie comme une plateforme
L’Assurance Maladie doit se penser comme une plateforme. On ne pourra pas rémunérer les professionnels sur objectifs sans renouveler l’accès aux données de l’Assurance Maladie.
En dépit des annonces, une association de patient ne peut toujours pas les traiter. Cette ouverture aurait pourtant permis d’identifier la surmortalité due au Médiator…
Google est en avance sur l’Assurance Maladie.
Les citoyens sont privés de leurs données, collectées par l’Assurance Maladie. Faute d’accès à un dossier médical personnel (DMP) centré sur le patient comme c’est la norme en Finlande, ils constituent des dossiers parallèles sur leurs mobiles. Google est en avance sur l’Assurance Maladie, au risque d’une perte de souveraineté dont on mesurera trop tard la gravité…
Il faut tout changer pour que tout reste pareil. Tout changer, c’est inventer des services digitaux centrés sur les besoins des patients, financés par les économies qu’ils génèrent. Faire que tout reste pareil, cela veut dire préserver l’égalité du système de soins, en diffusant la révolution digitale dans toute la sphère publique. En route !