Apéro Concorde #7 : Des start-up d’Etat à l’Etat plateforme

Ce jeudi 11 mai, nous recevions Pierre Pezziardi pour notre dernier afterwork dans le cadre du cycle des Apéros Concorde en partenariat avec les Vendredis de la Colline. Essayiste et entrepreneur du numérique, M. Pezziardi est chargé des start-ups d’Etat au sein du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP). Devant une trentaine de jeunes, il a eu l’opportunité de présenter son activité et de débattre avec l’assemblée du rôle de l’Etat plateforme.

« Un problème pour les usagers, c’est une problématique pour une start-up d’Etat »

Le terme de start-up d’Etat est à différencier, sur certains points, de la vision du secteur privé. La start-up d’Etat a pour objectif fondamental l’intérêt général. De même, la création d’une start-up du secteur privé, principalement dans le secteur du numérique, provient d’une idée : l’amélioration d’un processus existant  la création d’un produit innovant ou encore l’offre de nouveaux services.

Dans le cas des start-up d’Etat, le processus est inversé, on s’intéresse d’abord aux problèmes rencontrés par les usagers dans leur utilisation des services publics et à ce moment on développe une solution pour améliorer le processus existant. M. Pezziardi a d’ailleurs rappelé la problématique du Big Data : aujourd’hui les données sont utiles aux institutions mais les usagers n’en retirent pas de bénéfice. Le rôle de l’Etat plateforme va donc être d’apporter aux citoyens les services améliorés et optimisés par le Big Data.

L’incubateur de start-up d’Etat qu’est la SGMAP n’a pas vocation à proposer des réglementations ou même à les modifier. L’objectif est d’appliquer de manière optimisée la réglementation, d’apporter aux citoyens un service public plus moderne et plus accessible. Par exemple, le but n’est pas de modifier la réglementation fiscale mais d’aider les individus à connaitre le montant de leurs impôts ou de les saisir plus facilement.

Ces start-up d’Etat sont nécessaires dans la mesure où la puissance publique a eu tendance à sous-traiter énormément de services informatiques et a donc perdu sa force dans ce domaine. Les ingénieurs, les designers, etc. ont rejoint le secteur privé suite à la sous-traitance de ces services par l’Etat, notamment car les rémunérations et les perspectives de carrières y sont plus intéressantes que dans le public Il s’agit aujourd’hui de recréer un corps d’artisans d’Etat, de retrouver une capacité de créer et d’améliorer au sein du service public, tout en refondant le statut de la fonction publique, pour la rendre plus attractive aux nouveaux talents.

 

« Ce qui compte ce n’est pas l’idée, c’est la personne qui la porte, ceux que nous appelons les intrapreneurs »

M. Pezziardi, au sein de l’incubateur, a d’abord un rôle de prospective. Il ne s’agit non pas de chercher les failles du système ou encore quelles techniques pourraient l’améliorer, il s’agit de détecter des individus qui seront capables de porter l’innovation qui pourra améliorer leur activité. Ces individus sont appelés des « intrapreneurs », vont alors devenir des entrepreneurs d’Etat et développer des solutions pour moderniser leur fonction.

Ces individus n’ont pas de compétences particulières en informatique ou en gestion, ils doivent avant tout avoir une énergie débordante pour porter leur projet à son aboutissement. Pour cela, l’incubateur va les accompagner tout au long du projet qui pourrait déboucher par la suite sur une start-up d’Etat. Dans les premières étapes du projet, l’incubateur va aider l’intrapreneur avec deux accompagnants et lui fournir les moyens nécessaires pour porter une première version du projet dans les 6 premiers mois. M. Pezziardi a qualifié ce processus de modèle B to B to C, l’incubateur aide le porteur du projet, qui deviendra start-up, pour in fine apporter un service au consommateur.

 

« L’objectif de l’incubateur est de trouver la zone d’innovation et d’y faire émerger des intrapreneurs »

M. Pezziardi est à l’origine d’un nouveau procédé, interne à Pole Emploi, « la bonne boite ». Ce procédé permet aux usagers d’ « inverser » la recherche d’emploi. Ce n’est plus la personne en recherche d’emplois qui communique son profil pour attendre des offres, c’est au contraire les entreprises en recherche qui communiquent leurs profils sur le site de « la bonne boite ». En effet, pour M. Pezziardi le marché du travail a évolué avec les années mais l’institution, elle n’a pas changé. Aujourd’hui 80% du marché du travail se fait à l’extérieur de Pole Emploi, seules 20% des offres transitent par l’institution publique, il est donc nécessaire d’adapter l’institution aux spécificités locales du marché de l’emploi.

Egalement, il est nécessaire d’améliorer le processus de distribution et d’accès aux aides sociales, le taux de non recours aux aides sociales est de 40% aujourd’hui, selon M. Pezziardi c’est le type de problématique dont la résolution peut être confiée aux  start-up d’Etat.

Enfin, le modèle de start-up a un impact réel sur les finances publiques et sur la productivité de l’Etat et de ses agents. La « bonne boite » nécessite aujourd’hui la présence d’uniquement 4 collaborateurs, ces nouveaux systèmes très numériques permettent donc une productivité beaucoup plus élevé. Ce qui permet pour l’Etat, un coût plus faible et donc des services en plus grand nombre et de meilleur qualité.

Suite à sa captivante intervention, M. Pezziardi a eu l’occasion d’échanger avec les personnes présentes. Le thème qui revenait le plus souvent était celui des limites de ce dispositif, en effet l’instauration d’innovations radicales entraine de grands bouleversements et ceux-ci ne sont pas toujours bien vécus, que ce soit par l’usager ou par les employés des services publics. De même, l’instauration d’une grande part de numérique pose la question de la partie de la population qui ne maitrise pas ces nouveaux outils, celle-ci nécessite un accompagnement à ces nouveaux procédés afin de continuer à pouvoir profiter des services publics.