La tribune de Jacques Marceau – Fondation Concorde publiée dans les Echos le mardi 14 septembre 2021
Si les solutions technologiques sont aujourd’hui en mesure tout à la fois d’améliorer la qualité de ce que nous mangeons et d’encourager le développement d’une agriculture durable et de qualité, elles ne pourront pas, à elles seules, apporter une juste rémunération aux producteurs
Ce début de XXIe siècle voit l’émergence d’une pensée nouvelle dans l’agriculture française, prônant le respect de la nature, l’utilisation raisonnée de ses ressources et décrétant l’urgence de changements systémiques dans le domaine de l’alimentation et de la production alimentaire. Un véritable projet politique pour une société qui place au cœur de ses enjeux la lutte contre les dérèglements climatiques et la préservation de la biodiversité.
C’est à l’écoute de ces nouvelles aspirations que les marques n’ont pas tardé à servir du bio à toutes les sauces. Déjà à l’œuvre dans de nombreux domaines, le « greenwashing » a ainsi investi le champ de la production agricole et de l’alimentation. Peu importe qu’il soit bon ou mauvais, de saison ou pas, le produit doit dorénavant être bio pour exister ! Cependant, les consommateurs comprennent peu à peu que les choses de la nature sont plus complexes que la dichotomie proposée par les marques et que l’on ne peut, en la matière, se satisfaire d’une vision aristotélicienne de ce qui est vert ou de ce qui ne l’est pas.
Dans ce paysage assez désespérant, la crise sanitaire a joué un rôle d’accélérateur de transformations, en faisant du numérique le support privilégié du localisme avec l’explosion de plateformes participatives au service de producteurs locaux ou de commerçants de proximité. Mais là aussi, ce n’est pas parce que la salade a poussé à moins de 10 kilomètres de chez soi qu’elle sera forcément meilleure !
Dans ce contexte, faire un achat responsable et s’alimenter sainement équivaut dorénavant à résoudre une équation archicomplexe, mais à laquelle la technologie apporte aujourd’hui des réponses. C’est ainsi qu’utilisant la formidable capacité de désintermédiation de l’Internet et en s’affranchissant des réseaux de distribution traditionnels des petites fermes peuvent vendre leurs produits en direct à des consommateurs à la fois à la recherche d’authenticité et soucieux de la juste rémunération des producteurs.
Certaines plateformes proposent ainsi à leurs clients d’être livrés à leur domicile des produits en provenance directe de fermes sélectionnées pour leur engagement dans une démarche de recherche de qualité et de bien-être animal. Pour garantir cet engagement et certifier les produits qu’elle propose, Bonjourlebon.fr va jusqu’à sélectionner et référencer des agriculteurs sur la base d’un audit des produits (traces de pesticides ou d’antibiotiques), de leur qualité gustative, du respect de la saisonnalité et du bien-être animal. L’ensemble des paramètres constitutifs de ce référencement sont mis à la disposition du consommateur par le biais d’une application mobile certifiée par une blockchain infalsifiable proposant un contrôle permanent du strict respect des normes imposées par la plateforme.
Si les solutions technologiques sont aujourd’hui en mesure tout à la fois d’améliorer la qualité de ce que nous mangeons et d’encourager le développement d’une agriculture durable et de qualité, elles ne pourront pas, à elles seules, apporter une juste rémunération aux producteurs. Et il est clair que l’on ne pourra garantir ni le respect des animaux, ni le rythme des saisons, ni des produits sains, tant qu’une majorité de producteurs vivront sous le seuil de pauvreté (18,7 % contre 15 % pour l’ensemble des actifs, selon l’Insee).
Car derrière la promesse de certains distributeurs d’écraser les prix, ce sont nos agriculteurs que l’on écrase et nos terroirs que l’on assassine. La qualité des produits et la chaîne vertueuse allant du producteur à l’assiette du consommateur ont un prix qu’il faudra bien se résoudre un jour à payer. Et ça, la technologie n’y peut rien.
Jacques Marceau, Conseil d’administration Fondation Concorde, Chef d’entreprise Aromates